Transcription des notes manuscrites concernant la Découverte d'un cimetière gallo-romain au lieu dit les Pierreux, Vernou sur Seine en 1897, aucune pièce archéologique ne nous est parvenue de ces fouilles. Le document original est consultable aux archives départementale de Melun.
Miettes archéologiques Découverte de sépultures gallo-romaines à Vernou ( Seine et Marne)
Dans les travaux de deblaiement pour la ligne du chemin de fer en construction de Corbeil à Montereau, près du village de Vernou, certains détails de la configuration du sol ayant attiré notre attention, nous suivimes les progrès du terassement en étudiant de près les terres extraites et reportés plus loin pour remblayer la Vallée de Narjau. C'est ainsi que nous avons reconnu l'existence d'un très ancien champ de sépultures au lieu dit le Pierreux entre la fontaine Nanfroid et le Ru Flavien près du moulin connu sous le nom de moulin des Serpes situé Dans la vallée du Ru ou Vallée des sept moulins , ce champ de sépultures minuscule qui appartient à l'époque Gallo-romaine se composant de quarante individus environ, inhumés sans intention d'alignement ni d'orientation et à desprofondeurs différentes dans une sorte de remblai. Trois squelettes étaient encore en assez bon état de conservation, les autres se trouvaient mal conservés, Déchiquetés où même en poussière : ils furent rejetés dans le remblais pratiqué près de là pour franchir la vallée de Narjau.
D'après l'examen des poteries recueillies, nous reconnaissons que ce champ n'abritait que des gens de la classe inférieure , des laboureurs, de pauvres artisans. Nos fouilles antérieures dans le sol du vieux Paris, nous ont appris, en effet, que le mobilier funéraire différait suivant la condition du mort. Ainsi le champ de sépultures de l'époque païenne qui bordait la voie allant de Lutèce à Genabum nous a donné de véritables richesses archéologiques : de fort belles poteries sigillaires, des bronzes, des ruines de tombeaux, Des bijoux, de la verrerie. On sait que c'est sur les bords des voies romaines qu'on enterrait les chevaliers, les citoyens riches où influents. Les trouvailles faites par nous dans le remblai de la vallée, lequel provenait Du champ de sépulture peuvent se classer en objets de bronze et en poteries.
Nous avons comme bronze : un fragment de cercle qui a du être un bracelet, un anneau, Deux petits boucles munies de leur ardillon ( une d'elle a été trouvée par notre distingué collègue de la société archéologique et littéraire de Melun, Mr Vasco, alors que nous faisions une inspection sur la lieux après ces Dernières pluies ), une lingua et enfin un petit instrument fort curieux qui semble avoir appartenu à la médecine opératoire au temps de galien.
La lingua de forme circulaire, à concavité peu profonde et ornée d'un cercle gravé en creux, parallèle au bord extérieur, mesure 26 millimètres de diamètre et possède une partie de son extrémité manuelle, Le dernier petit monument en bronze peut se comparer à ceux déja trouvés par nous en assez grand nombre Dans le sol de l'antique Lutèce et appartenant aux trois premiers siècles de notre ère : ll se compose d'une lentille de 6 millimètres de diamètre qui semble avoir été tranchant et qui fait corps avec l'extrémité manuelle, cette lentille paraît saisie entre les deux pointes triangulaires D'une presselle, lesquelles se raccordent aux premières moulures de la tige faussée et Déviée de sa Direction normale, mais dont les ornements , composés de groupes de petites rondelles empilées que séparent Des parties olivaires, sont encore bien visibles par endroits. L'extrémité de cette tige est brisée; on devine néanmoins que le morceau enlevé n'était pas d'une grande dimension .Nous constatons que cet instrument n'a ni le fini ni l'élégance de ceux qui provenaient de nos fouilles de Paris ; il n'en offre pas moins d'intérêt au point de vue de l'histoire de la médecine. Il nous semble que ce ne pouvait étre qu'un cautère ou un instrument analogue destiné pratiquer des pointes de feu (1).
La poterie se comporait de fragments D'Olla, de Calinum, de Dolium, de petites amphores où bouteilles en terre grossière, etc.. L'objet le mieux conservé est une petite lampe monochrome en terre cuite avec disque gracieusement mouluré. Le réservoir d'huile est d'une bien faible capacité, ce qui obligeait sans doute à renouveler fréquemment la matière combustible. La lumière produite devait être peu intense et répandre une odeur fort nuisible à la poitrine. On sait que les anciens consideraient la fumée d'une lampe éteinte comme très pernicieuse et capable de provoquer le mal caduc; aussi la laissaient-ils s'éteindre d'elle-même, peut-être dans un endroit écarté de la chambre où il reposaient la nuit.
Vers le centre du disque on remarque une ouverture circulaire dont la fonction consistait à donner passage à l'air pour faciliter la combustion le creux du même disque est occupé par une figure d'ornement en relief représentant un gladiateur qui d'après son attirail de combat paraît être un Samnite où Hoplomaque. Il est armé du Scutum et a la jambe gauche protégée par l'ocrea d'airain. La tête est surmontée du casque à Visière qui coiffait ces terribles lutteurs (2); Suivant Varron, Des plumes où des panaches Distinguaient les samnites où hoplomaques, c'est pourquoi les autres gladiateurs opposés à ceux-ci dans le combat étaient appelés < ravisseurs de plumes >
L'invention des combats de gladiateurs et attribuée aux Toscans et ces peuples poussaient la passion de ces cruels divertissements jusqu'à faire lutter des gladiateurs sous leurs yeux pendant leurs festins. Cette coutume ne tarde pas à passer chez les romains où elle fut portée à un tel excès que bien souvent dans les funérailles solennelles célébrées pendant le jour, le public était invité par proclamation à assister aux combats de gladiateurs qu'on Donnait en cette circonstance en l'honneur du personnage célèbre que l'on inhumait.
Le type de ces combattants était fréquemment reproduit par l'antiquité, nous avons vu des vases dont les anses étaient formées par des gladiateurs luttant ; nous avons sous les yeux plusieurs reliefs de terre cuite représentant Des couples de samnites où Hoplomaques se tenant de fort près; un autre, orné D'une façon remarquable, reproduit le combat D'un Thrace et D'un Samnite; enfin nous pouvons assurer que c'est la figure le plus souvent employée dans la décoration des poteries vases et autres objets de toutes sortes recueillis par nous à Paris et ailleurs.
L'empereur Constantin essaya, mais vainement, de supprimer les combats de gladiateurs dans les fêtes publiques; ce ne fut que sous le règne d' Honorius que cette coutume farouche de vois égorger son semblable cessa complètement.
Tels sont les principaux objets mis à jour dans cette fouille dont l'intérêt, en dehors de celui qui l'attache au petit cautère, est surtout local.
Les historiens futurs de notre canton sauront que le Pierreux a été un champ de sépulture aux trois premiers siècles de notre ère. Un vieillard de Vernou, Étienne Garnier, âgé de 83 ans, se souvient d'avoir travaillé là en 1852, pour le déblaiement de cette route de 1e Assise (3) sur laquelle avaient glissé les terres des collines qu'elle côtoie : on y trouva déjà à cette époque des ossements et des fragments de poteries; mais la Découverte ne fit aucun bruit et aurait été perdue pour l'histoire locale sans le témoignage actuel de ce bon vieillard, témoignage que nous nous faisons un plaisir de consigner dans cet article pour confirmer le nôtre.,
Eugène Taulouze
(1) Un professeur à l'université de Gand et président de l'académie royale de médecine de Belgique, nous adresse la lettre suivante:
Mr Colin fabriquant d'instruments de chirurgie à Paris m'a envoyé il y a deux jours la reproduction métallique du petit instrument que vous avez trouvé et que vous avez eu la bonté de lui remettre. C'est un stylet à spatule, I'instrument est brisé, son extrémité a disparue, la petite palette reste . Les ornements de la partie supérieure sont exceptionnels - Il est très volumineux peut-être un cure oreilles. - La palette n'est pas assez grande pour être celle d'un stylet à écrire. Ce peut être un stylet médical mousse d'un coté à palette de l'autre. J'en possède plusieurs de ce genre où a peu près, parfois la palette est plus grande, parfois un peu coudée sur le stylet, parfois un peu concave. Merci de m l'avoir envoyé,
Recevez etc.. signé D. Denoff.
(2) Notre petit personnage ne saurait être confondu avec l'ocreatus qui avait les deux jambes protégées par l'ocra; cette arme Defensive était en usage chez les Etrusques et chez les Grecs, la lourde infanterie romaine avait la jambe droite protégée par une simple jambière ayant la fonction d'attaquer l'ennemi avec l'épée et de se trouver en garde la jambe droite portée en avant, position absolument opposée à celle du soldat combattant avec le pilum où le javelot.
(3) Chemin de grande communication no 39 de Montereau à sainte Assise.